Abstract:
Il y a dans la philosophie de Spinoza deux attitudes radicalement différentes eu égard à l’argent: une condamnation radicale au nom de la sagesse dans ses premiers textes, un éloge surprenant de son accumulation infinie dans la Traité Politique. Ces deux positions peuvent néanmoins se réconcilier en distinguant d’un côté l’éthique des sages, de l’autre l’éthologie des ignorants. Si Spinoza fait l’éloge de la quête infinie des richesses, ce n’est que parce que les ignorants, ne pouvant autoréguler rationnellement ce désir partiel, ne pourront vivre en paix selon des normes et des valeurs communes qu’à la seule condition que se mette en place un mimétisme rationnel, qui, au moment même où ils cherchent à se distinguer les uns des autres, pousse les individus vers des normes communes. Or, ce sont paradoxalement les richesses qui sont l’opérateur d’un tel phénomène. L’argent, en tant que traducteur potentiel de tous les désirs est aussi l’agent universel de la différenciation et de la distinction. Là où la rationalité permettra aux sages de vivre dans des collectifs pacifiés, la poursuite des richesses jouera ce rôle pour ce qu’il en est des ignorants.